Julie Groffe, ex-doctorante du CERDI, a soutenu, ce mercredi 19 novembre 2014, sa thèse de doctorat pour l’obtention du grade de Docteur en Droit privé. La soutenance s’est déroulée en salle Gaudemet. 

Durant plus de deux heures, Melle Groffe a défendu avec talent sa thèse intitulée « La bonne foi et le droit d’auteur ». Ce travail de 450 pages traite de l’intervention de la bonne foi en droit d’auteur, via l’étude des manifestations de la notion propres à ce droit spécial d’une part et de celles importées du droit commun d’autre part.

Le travail de Melle Groffe a été évalué et discuté par un jury composé du Professeur Béatrice Parance de l’Université Paris 8 (rapporteur), du Professeur Célia Zolynski de l’Université Versailles Saint-Quentin (rapporteur), du Professeur Denis Mazeaud de l’Université Panthéon-Assas, du Professeur Michel Vivant de l’Ecole de Droit de Sciences Po Paris, du Professeur Pierre Sirinelli de l’Université Panthéon-Sorbonne (président du jury) et de Madame Alexandra Bensamoun (directeur de thèse).

Après délibération, le jury a accordé à Melle Groffe le grade de docteur en droit, mention très honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité, présentation à un prix de thèse et autorisation de publication.

photo thèse julie 

L’ensemble du Cerdi félicite cette ancienne élève du Master 2 Recherche droit des nouvelles propriétés et lui souhaite du succès dans sa vie de docteur et dans les futures étapes de sa jeune carrière.

 

 

Résumé de la thèse :

             La bonne foi, notion floue teintée de morale et issue du droit commun, a vocation à intervenir dans toutes les branches du droit. A ce titre, elle trouve naturellement à s’appliquer en droit d’auteur, c’est-à-dire au sein du droit qui organise la protection des rapports entre l’auteur et l’œuvre de l’esprit qu’il a créée, en reconnaissant à ce dernier des droits patrimoniaux et des droits extrapatrimoniaux. Notion duale, la bonne foi s’entend tantôt comme la croyance erronée dans une situation – c’est là la dimension subjective –, tantôt comme l’exigence de loyauté dans le comportement, ce qui renvoie à la dimension objective. Le choix est opéré, au sein de la présente étude, d’embrasser la notion dans sa globalité et non de se concentrer sur l’une ou l’autre des faces de la bonne foi. L’enjeu de l’étude étant d’analyser comment une notion de droit commun peut intervenir au sein d’un droit spécial, il semblait en effet judicieux de ne pas décomposer la notion mais au contraire d’accepter sa polymorphie.

           La difficulté tient au fait que la notion – dans sa dimension objective comme dans sa dimension subjective – est bien souvent absente de la norme du droit d’auteur, de sorte qu’une première analyse pourrait laisser penser que la bonne foi n’a pas de rôle à jouer en ce domaine. Cependant, il apparaît finalement que cette dernière est bien présente au sein de ce droit spécial, que son intervention soit positive – auquel cas la notion est prise en compte et reconnue – ou, au contraire, négative (ce qui revient alors à l’exclure volontairement des solutions).

             Les manifestations de la bonne foi se présentent, en ce domaine, sous deux formes. D’une part, elles peuvent être propres au droit d’auteur : la notion intervient ainsi dans les raisonnements relatifs à la détermination du monopole, droit exclusif reconnu au titulaire de droits, mais également dans les règles applicables à la sanction des atteintes portées à ce droit exclusif. L’utilisation de la notion procède alors d’un choix du juge ou, plus rarement, du législateur et répond à un objectif interne au droit spécial, objectif qui sera bien souvent celui de la défense de l’auteur ou, plus largement, du titulaire de droits.

             D’autre part, les manifestations de la bonne foi peuvent être importées du droit commun. Si le lieu d’intervention privilégié de la notion en telle hypothèse est le contrat d’auteur (c’est-à-dire le contrat qui organise l’exploitation de l’œuvre) du fait de l’applicabilité de l’article 1134, alinéa 3, du Code civil – lequel impose une obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat – aux droits spéciaux, la bonne foi peut aussi s’épanouir au-delà de ce contrat. Le recours à la notion est, dans ce cas, imposé au juge et au législateur spéciaux – lesquels doivent naturellement tenir compte de la norme générale dès lors que celle-ci n’est pas en contradiction avec le texte spécial – et l’objectif poursuivi est alors externe au droit d’auteur : il peut ainsi être question de protéger l’équilibre des relations ou encore de garantir la sécurité juridique des rapports.

             Plurielles, les interventions de la bonne foi en droit d’auteur invitent ainsi à s’interroger sur les interférences entre droit commun et droit spécial.

 

Mots-clés : Bonne foi, loyauté, croyance, droit d’auteur, droit commun, droit spécial, notion floue, morale, contrat d’auteur.

 

             Good faith, vague notion which refers to morality and that is derived from common law, can occur in all branches of law. As such, it is naturally applicable in French copyright law, which is the special law that provides the protection of the relationship between the author and the work that he created and that recognizes moral rights and economic rights in favour of the author. Good faith has a double definition: it means both a misbelief in a situation – that is the subjective dimension – and a requirement of loyalty, which refers to its objective dimension. The choice has been made, in this study, to embrace the whole concept instead of focusing on one or the other side of good faith. Because the aim of this thesis is to analyze how a concept of common law can intervene in a special law, it seemed wise to accept its polymorphism instead of deconstructing the concept.

             The difficulty is that good faith – in its objective dimension as in its subjective dimension – is often absent from the special law: as a consequence, a first analysis might suggest that this concept has no role to play in this area. However, it finally appears that the notion does exist in French copyright law, whether its intervention is positive (and in that case good faith is taken into account and recognized) or negative (in which case the concept is deliberately excluded from the solutions).

             The expressions of good faith arise in two forms in this field. On one hand, they may be specific to French copyright law: the concept can be used to answer the questions related to the determination of the exclusive right that is granted to the holder of rights, or the questions related to the penalties for copyright infringement. In these hypotheses, the use of good faith is a choice made by the judge or, more rarely, by the legislator and it fulfills a specific objective, proper to French copyright law: this objective is often the defense of the author or, on a wider scale, the right holder.

             On the other hand, the expressions of good faith can be imported from common law. If the privileged place of intervention in that case is the author’s contract (which is the contract that organizes the exploitation of the work), due to the applicability of the article 1134, paragraph 3, of the French Civil code – which imposes a duty of good faith during the performance of the contract –, good faith also has a part to play beyond this contract. In these cases, the use of the concept is imposed to the judge and the legislator – because both must take into account the general rule when it is not in contradiction with the special one – and the aim is to fulfill a general objective, external to French copyright law: then the goal is to protect the balance of relationships or to guarantee legal certainty.

             As a consequence, the expressions of good faith in French copyright law are plural and call for questioning the interference between common law and special law.

 

Keywords : Good faith, loyalty, misbelief, French copyright law, common law, special law, vague notion, morals, author’s contract.